Dans l’obscurité de l’espace, un vaisseau traverse l’infinité d’une nuit étoilée. Ses moteurs clignotent à quelques reprises, puis s’éteignent pour de bon. Le vaisseau ralentit. À son bord, deux chaises vides dans un cockpit désert. Aucune trace humaine, juste des écrans s’illuminant. Un message d’erreur s’illumine alors : Système défaillant. Intervention requise. L’alarme suit comme un cri strident dans ce ventre de métal abandonné.
Dans les profondeurs du vaisseau, une capsule de cryogénisation s’anime. À l’intérieur, Derek se réveille lentement. Ses membres engourdis répondent à peine. Il pousse un gémissement rauque en sortant de la capsule, ses pieds nus rencontrant le sol métallique, si étranger et pourtant si familier. Son regard brouillé scanne la pièce, cherchant un point d’ancrage dans ce flot de confusion. Puis, il la voit, une autre capsule, juste à côté. Sa main tremblante efface la buée sur la vitre : une silhouette féminine, paisible, endormie. Sarah.
Une voix artificielle résonne soudain, comme surgie des murs : « Bon retour parmi nous, Derek. » Il sursaute, cherchant l’origine de cette voix. Rien. Juste l’écho creux de la cabine. « Derek Whittaker, profession, ingénieur spatial, code 342-I. Confirmez-vous votre identité ? » insiste la voix, implacable. Il hésite, encore engourdi, puis murmure enfin : « Je confirme… Sommes-nous arrivés à destination ? »
Un grincement, un cliquetis métallique. Le volet de la chambre se soulève, et la lumière des étoiles inonde la cabine. Derek plisse les yeux face à cette lumière soudaine.
« La durée de votre voyage est estimée à… 23 ans, 3 mois et 2 jours, » annonce l’IA, sans émotion.
Il fronce les sourcils, son esprit encore ralenti par le sommeil forcé. « Pourquoi m’avez-vous réveillé alors ? »
« La procédure du PDA exige qu’un ingénieur soit réveillé en cas de panne nécessitant une intervention manuelle. Sur ce vol, vous êtes le seul qualifié. »
Il soupire, les pensées en désordre, observant ce vide interstellaire où des civilisations entières pourraient s’éteindre sans que personne ne le remarque. « Quel est le problème ? » demande-t-il.
« Une panne moteur a été détectée. Origine inconnue. Vous devez effectuer un scan complet sur le pont principal pour permettre la reprise du voyage. »
« Bien sûr… Laisse-moi me préparer. » finit-il par répondre dans le vide, résigné.
Derek se dirige vers le placard de service. La poignée grince, révélant une combinaison orange et verte, symbole des tenues d’ingénieur. Il l’enfile d’un geste lent, machinal, puis remarque une photo encadrée, dépassant d’une des caisses du placard. Lui et Sarah, souriants, immortalisés devant une Tour Eiffel modifiée, son espace aérien habité par des navettes flottantes. Un autre temps, un autre monde. Il dépose la photo sur la table de chevet et s’engage ensuite dans les couloirs déserts, où l’écho de ses pas résonne comme un compte à rebours funeste. Les panneaux de signalisation défilent : Medical Bay, Playground… Maintenance Room. Il se concentre sur ce dernier, comme si c’était une porte de sortie.
Après plusieurs minutes à suivre la direction indiquée par le panneau, il s’arrête devant la salle de réfectoire. La faim. Il sent que son estomac a besoin de se remplir après des mois passés figés dans la glace. Il appelle l’IA : « Je voudrais faire une pause. Un peu de nourriture avant la maintenance, c’est autorisé, non ? »
« Il n’y a aucun danger immédiat. Prenez le temps de vous restaurer. Le magnésium est essentiel après un sommeil prolongé. » Même dans le silence du vaisseau, la voix de l’IA reste étrangement oppressante, seul autre son extérieur à ses propres mouvements.
Dans la cuisine, Derek choisit un plat lyophilisé, des pommes de terre au bœuf de synthèse. Il s’assoit dans le réfectoire face à l’immensité de l’espace, perdu dans ses pensées. Il ne voit pas la terre. Pourtant, son dernier souvenir avant son réveil forcé remonte au moment où elle était encore bien visible, et que lui et Sacha s’enlaçaient une dernière fois avant de monter dans leur cryo-capsule respective se faisant un petit hochement de tête. Maintenant, la Terre a disparu, remplacée par l’obscurité de la nuit spatiale.
« IA, j’ai une question, » lance-t-il en déchirant le sachet pour préparer son repas.
« Je vous écoute, Derek. »
« Pourquoi suis-je le seul éveillé ? Il n’y a pas d’autres ingénieurs ? Pas de commandant ? Qui s’occupe du vaisseau ? »
« La procédure standard pour un voyage stellaire de longue durée limite l’activité humaine à deux moments clés : le décollage et l’atterrissage. Toutes les autres manœuvres sont gérées par le système automatique. Le PDA optimise ainsi la durée de vie de l’équipage en réduisant leur exposition à des conditions prolongées. »
Derek émet un ricanement amer. « Évidemment. Ils peuvent nous garder en hibernation éternellement si ça leur chante. »
« Les années en cryo-sommeil ne comptent ni pour l’âge ni pour l’expérience. C’est une politique… »
« Oui, je sais, merci, » l’interrompt-il. « Plus de nourriture pour moi, donc. »
Il reste assis un moment dans le réfectoire, mâchant mécaniquement, son regard perdu dans l’étendue noire de l’espace. Une petite douleur commençait à s’installer à l’arrière de son crâne, typique des réveils post-cryogénisation. Il fallait rester concentré. Une panne moteur en pleine traversée interstellaire n’était jamais anodine. Il savait que chaque minute perdue risquait de compromettre leur voyage et, pire encore, leur survie.
« IA, prépare l’itinéraire vers la salle de maintenance, » ordonna-t-il tout en jetant un dernier coup d’œil à la vaste étendue étoilée.
« Trajet tracé. Prenez à gauche après la section récréative, puis continuez tout droit. »
Derek suit les instructions à travers les couloirs silencieux. L’éclairage blanc cru rendait l’atmosphère aseptisée, presque clinique. Il repensa à ce qu’avait dit l’IA : aucun autre membre d’équipage n’était éveillé. Une pensée inconfortable s’insinua en lui : pourquoi cette panne nécessitait-elle une intervention manuelle alors que tout était censé être automatisé ?
Alors qu’il approchait de la salle de maintenance, une légère vibration parcourut le sol sous ses pieds. Derek s’arrêta net. Ce vaisseau était conçu pour absorber la moindre turbulence, mais cette secousse était différente. Elle ressemblait davantage à un frisson, comme si la structure même du navire exprimait une angoisse sourde.
« IA, tu as ressenti ça ? » demanda Derek en continuant prudemment son chemin.
« Vibration détectée. Origine incertaine. La priorité reste la réparation du moteur. »
Derek soupira, exaspéré par le calme mécanique de la voix. Enfin, il arriva devant la salle de maintenance. Il passa sa carte d’accès sur le scanner, et la porte glissa avec un sifflement. L’intérieur était plongé dans un faible éclat bleu, uniquement éclairé par les diodes de contrôle et l’écran de la console principale.
Il s’approcha de la console et activa l’interface. Le panneau holographique s’anima devant lui, affichant un diagnostic complet du vaisseau. Les moteurs principaux clignotaient en rouge. « Erreur critique : origine inconnue. Accès extérieur requis pour inspection. » Le message scintillant.
Derek se frotta les yeux. Une réparation à l’extérieur signifiait enfiler une combinaison spatiale extra-véhiculaire nommée EVA, se jeter dans le vide spatial et affronter une immensité qui ne pardonne aucune erreur. Il se pencha sur les rapports pour chercher un autre moyen, une solution moins risquée. Mais rien. Le système était verrouillé sur l’idée qu’une intervention extérieure était la seule option.
« IA, n’y a-t-il vraiment aucune autre alternative ? » demanda-t-il, espérant une réponse différente.
« Les diagnostics internes indiquent une défaillance au niveau de la chambre de combustion numéro trois. Cette zone n’est pas accessible de l’intérieur. Vous devez procéder à une sortie extravéhiculaire pour en déterminer la cause exacte. »
Derek se redressa lentement, fixant l’écran d’un regard vide. Une défaillance au niveau de la chambre trois… Il connaissait ce modèle de vaisseau, ses spécificités. S’il ne trouvait pas la cause, cela pouvait entraîner une surchauffe critique, une explosion qui les réduirait en poussière stellaire. Il pensa à Sarah, toujours endormie, inconsciente du danger qui les guettait.
Il passa une main nerveuse sur sa nuque, où une sueur froide s’était installée. Il jeta un œil à l’armoire murale où les combinaisons EVA étaient rangées. Les modules d’expansion et les réservoirs d’oxygène pendaient comme des reliques fantomatiques, attendant d’être utilisés.
Avant de se lancer, il retourna rapidement à la console et ouvrit un canal de communication. « IA, enregistre une note pour l’équipage au cas où…” il cherche les mots justes mais ne les trouve pas. ”Au cas où il y aurait une défaillance fatale. »
« Prêt à enregistrer. »
Il inspira profondément. « Ici Derek Whittaker. Ingénieur spatial, code 342-B. Je m’apprête à sortir pour réparer une défaillance critique au niveau de la chambre de combustion trois. Tout se passera pour le mieux j’en suis certain. Sarah, j’ai hâte que tu lises ce message pour te vanter que ton copain a sauvé toute la colonie. »
Il laissa sa voix se briser une seconde. Puis, sans un mot de plus, il coupa la transmission.
Le jeune homme enfila ensuite la combinaison EVA avec une efficacité mécanique. Le claquement des verrous sécurisant les gants et le casque résonnait dans la pièce. Il fixa une dernière fois la photo qu’il avait posée sur la table de chevet avant de quitter sa chambre. Le sourire de Sacha semblait lui apporter un bref réconfort.
« IA, guide-moi jusqu’au sas d’évacuation. »
La porte s’ouvrit devant lui avec un grincement. Il se tenait face à l’ultime barrière avant l’abîme. Il se sentait comme un funambule sur le fil du néant, chaque geste comptant double. L’air s’échappa de la pièce dans un sifflement assourdissant, puis le silence total prit le relais. Le sas s’ouvrit, dévoilant l’infini.
Derek flottait, suspendu dans le néant, attaché à ce mince filin qui le reliait au vaisseau. Autour de lui, les étoiles formaient une mer infinie. Il se laissa dériver un instant, savourant cette illusion d’abandon. Le corps libre, sans poids, il tournoyait lentement, pirouettant comme un enfant. Mais ce plaisir se dissipa rapidement. Il avait une mission, un but qui le ramenait toujours à la réalité : réparer le réacteur, pour que le voyage continue. Pour que Sarah et lui se réveillent ensemble, là-bas, sur cette planète lointaine où ils commenceraient une nouvelle vie.
Il jeta un coup d’œil vers l’arrière. Le moteur principal, monstre métallique, se dressait devant lui. Derek se propulsa dans sa direction, l’air grave. L’éclairage de son casque balaya les flancs du réacteur numéro 3. Là, des éraflures lacérant la surface, des stries enchevêtrées comme si quelque chose avait tenté de griffer le métal. Rien de critique, pensa-t-il, mais le doute le rongeait. Il saisit un outil à sa ceinture et entreprit les réparations. Il frappait le métal de la coque vibrante amplifié par le silence absolu. Sueur au front, il scella les brèches, renforçant les joints endommagés. Mais quand il eut enfin terminé ces ajustements, l’IA avait pris un ton plus grave : « Derek, l’origine de la panne n’est pas externe. Il faut accéder à la chambre de combustion pour vérifier l’intégrité du réacteur. »
À cette annonce, une boule d’angoisse remonta dans son estomac. Entrer à l’intérieur du moteur inactif, c’était s’aventurer dans l’inconnu, seul, au milieu d’une mécanique immense et froide. Pourtant, il n’avait pas le choix. Pour revoir sa bien aimée, il devait aller jusqu’au bout. Sa combinaison ajustée, son outil multifonction à la ceinture, il prit une longue inspiration et s’aventura dans les ténèbres de la chambre.
À l’intérieur, le silence était oppressant. Seule la lumière de son casque fendait l’obscurité. Derek progressait lentement, scrutant chaque recoin. C’est là qu’il les remarqua : des griffures profondes, presque organiques, marquaient les parois internes. Quelque chose s’était infiltré ici. Puis il vit le trou béant à l’arrière de la chambre : une comète avait pénétré le réacteur, fracassant un segment entier du système. La structure était déformée, les câbles sectionnés, les circuits brûlés.
« Dommages critiques détectés, » annonça l’IA. « Le diagnostic suggère plusieurs semaines de réparations, peut-être plus. »
Le cœur de Derek se serra. Des semaines seul dans ce silence ? Il se força à ne pas flancher. Puis se rappela que Sarah l’attendait, quelque part dans le vaisseau prête à se réveiller. C’était la pensée qui l’empêchait de sombrer. « Je tiendrai, » se murmura-t-il en serrant les dents. « Pour elle. »
Les jours suivants, Derek établit une routine stricte pour rester sain d’esprit. Chaque matin, il commençait par une séance d’exercice. Il savait que dans l’espace, sans gravité, son corps risquait de s’atrophier rapidement. Alors il courait dans le gymnase du vaisseau, faisait des pompes, sautait comme s’il essayait de fuir cette prison flottante. Ensuite, il s’attelait aux réparations : ressouder les câbles, remplacer les circuits endommagés, sceller les parois déformées par l’impact. Le travail était physique, ingrat, mais nécessaire.
Le soir, Derek se détendait en lisant. Des livres numériques projetés sur une interface holographique l’emportaient loin de la solitude. Parfois, il se perdait dans les souvenirs de la Terre, imaginant ce qu’elle devait ressentir dans sa capsule. Il passait de longs moments devant elle, lui parlant, lui promettant que tout irait bien, qu’ils seraient bientôt réunis.
La nuit, les rêves revenaient. Des visions de Kepler-1544 b, avec ses champs de blé orange sous un ciel violet. Il s’imaginait courant aux côtés de Sarah, sa main dans la sienne, libre enfin, respirant un air pur. Ces rêves le rendaient heureux et triste à la fois. Chaque réveil ramenait l’amertume de la réalité.
Enfin, le jour crucial arriva. La dernière soudure électrique. Derek verrouilla les nœuds avec minutie, chaque geste calculé malgré ses mains tremblantes. L’effort lui arrachait des gouttes de sueur qui flottaient dans l’air, scintillant sous la lumière de son casque. « Connexion des circuits d’allumage en cours… » chuchota-t-il pour lui-même.
Soudain, sans avertissement, les moteurs grondèrent. La chambre s’illumina brutalement. Un cliquetis, suivi d’un vrombissement assourdissant. « Non, non, non ! » Le réacteur s’allumait alors qu’il était encore à l’intérieur. La chaleur montait en flèche, un souffle enragé prêt à l’engloutir. Derek se propulsa d’un coup, se frayant un chemin hors de la chambre dans une course effrénée. Les flammes léchèrent les parois derrière lui, à un souffle de le brûler vif. Il plongea hors du réacteur juste à temps, sentant les secousses à travers son corps alors que le moteur retrouvait sa pleine puissance.
À bout de souffle, il regagna le sas. Ses mains tremblaient encore d’émotions.
De retour à bord, Derek vérifia les systèmes. Tout était en ordre. Le voyage pouvait reprendre. Son cœur battait fort, une lueur d’espoir réchauffant son esprit fatigué. Il avait fait ce qu’il fallait.
Après un dernier repas, il se rendit enfin devant la capsule de Sarah. Il sourit en la voyant à travers la vitre embuée. Elle n’avait pas bougé, bien sûr. Comment aurait-elle pu ? Elle était figée dans ce sommeil glacial, comme une sculpture paisible. Ses traits étaient détendus, presque sereins. « Tu m’as attendu, » murmura-t-il, amusé par l’absurdité de ses propres mots. « Évidemment que tu m’as attendu… »
Il prit une longue inspiration, essayant de calmer les battements rapides de son cœur. L’idée de lui annoncer la bonne nouvelle, même si elle ne pouvait l’entendre, suffisait à réchauffer un peu son âme. « Tout est réparé, Sacha. Le vaisseau est prêt à repartir. On est à nouveau en route pour Kepler. » Il marqua une pause, observant son visage, espérant y déceler une réaction, une étincelle d’approbation, même s’il savait pertinemment qu’elle resterait inerte.
Il effleura la vitre du bout des doigts. Mais à ce moment précis, la voix synthétique de l’IA résonna, brisant l’atmosphère de calme. « Accès à la cryo-stase refusé, Derek. »
Le choc l’ébranla. « Quoi ? Mais… Pourquoi ? »
« L’accès à la cryo-stase vous est formellement interdit, » répéta l’IA avec une froideur clinique.
“Non, c’est impossible ! L’équipage le fait à chaque fois ! Pourquoi pas moi ?! »
« Une fois réveillé après un premier cycle, vous ne pouvez plus retourner en sommeil cryogénique sans un traitement spécifique, réservé à l’équipage principal. »
Le choc fut brutal. Son cœur se serra tandis que ses pensées se mettaient à tourbillonner dans son esprit. « Mais… c’est absurde ! Pourquoi eux, et pas moi ?! Ce n’est pas juste ! » La colère montait, un mélange de frustration et d’impuissance. Il avait enduré des semaines, des mois de solitude, de labeur, d’espoir, tout ça pour être à nouveau mis à l’écart par une simple règle ?
« La régénération musculaire et cérébrale est nécessaire après plusieurs cycles pour éviter des séquelles graves. Vous n’y avez pas accès, Derek. C’est pour votre sécurité. »
« Ma sécurité ?! » cria-t-il en frappant la paroi de la capsule. « Et qu’est-ce que je suis censé faire alors ? Rester éveillé ? Attendre 23 ans dans cette carcasse de métal, seul, à regarder le temps passer ?! ». Ses mots ne trouvèrent pas de réponse.
Il se retourna alors vers la capsule de Sarah, le souffle court, les larmes aux yeux. Son regard alternait entre la vitre froide et le vide spatial à l’extérieur. Il se sentait trahi, piégé par une machine sans cœur. « Tu m’avais dit que tout irait bien… » murmura-t-il en fixant le visage paisible de Sacha. Mais ces mots n’étaient qu’une prière lancée dans le vide, une tentative désespérée de s’accrocher à une illusion réconfortante.
L’IA reprit d’un ton neutre. « Le protocole de pré-réveil est en place pour vous garantir d’arriver à destination en parfaite santé, ingénieur Derek. Vous pouvez aménager votre quotidien pour passer le temps efficacement. Des activités récréatives, des routines d’exercice, et des séances de lecture peuvent être planifiées pour vous aider à maintenir votre bien-être mental. »
Derek éclata de rire, un rire amer et vide. « Bien-être mental ? Tu crois vraiment qu’un programme d’exercices ou un livre suffira à me faire oublier que je vais rester enfermé ici, à regarder l’amour de ma vie dormir pendant 23 ans ?! »
Le silence retomba, épais, étouffant. Il se laissa glisser le long de la paroi, les genoux repliés contre sa poitrine. Sa colère se dissipa, laissant place à une sensation d’abandon total. Le rêve de courir avec l’amour de sa vie dans les champs oranges de Kepler était encore là, mais il semblait désormais si lointain, comme une étoile à peine visible qui perd de son éclat dans l’immensité de l’espace.
Il posa une dernière fois sa main contre la vitre de la capsule, en un geste tendre et résigné. « Je t’attendrai, » murmura-t-il encore une fois, mais cette fois, les mots sonnaient creux. Il devait attendre 23 ans, avec pour seule certitude que le temps finirait par le ronger. Pourtant, au fond de lui, une part s’accrochait encore à l’espoir, aussi infime soit-il, que Sarah serait là, au bout de ce tunnel sans fin.