Le réel peut parfois paraître irréel.
Ainsi commence l’histoire de Christopher Burbank, un étudiant en psychologie à l’Université de New York. Lors d’un cours sur le désir d’appartenance, il rencontre Meryl, une étudiante passionnée et audacieuse. Partageant des idéaux similaires, ils décident de collaborer sur un projet d’étude portant sur la psychologie de l’amour. Leur idée : filmer une famille américaine en plein divorce. Ce qui devait être un simple documentaire académique attire rapidement l’attention de Lucas Scott, producteur à PBS, qui entrevoit un potentiel pour une série télévisée.
Le 11 janvier 1973, le premier épisode de An American Family est diffusé. En quelques semaines, l’émission a trouvé son public. La famille Loud devient un miroir pour la classe moyenne américaine blanche. Le public en demande davantage. L’émergence de la télé-réalité commence. Meryl et Christopher, célébrant leur succès, se rapprochent et finissent par s’embrasser la nuit de la diffusion du dernier épisode.
Après une année de travail intense, Meryl s’intéresse à la psychologie criminelle. Elle commence à documenter le quotidien d’une brigade de police, jetant les bases de COPS, un autre succès pour PBS et une nouvelle victoire pour Lucas Scott.
De son côté, Christopher se lance dans un projet plus introspectif : The Real World, une émission suivant le quotidien de personnes ordinaires cohabitant ensemble. Le concept initial intrigue et attire une audience curieuse. Cependant, avec le temps, les spectateurs se lassent de la banalité des scènes quotidiennes dépourvues de drame ou de suspense. Les mois passent, et les chiffres d’audience commencent à décliner. La production, observant cette tendance avec inquiétude, tente d’intervenir. Des réunions de crise se tiennent régulièrement dans des bureaux aux murs couverts de graphiques et de courbes descendantes. Christopher, fidèle à sa vision de capturer la réalité sans artifices, s’oppose fermement à toute tentative de dramatisation artificielle.
Malgré ses efforts pour maintenir l’intégrité de son projet, la pression des producteurs devient insoutenable. Les sponsors menacent de se retirer, les critiques se font de plus en plus acerbes. Finalement, après de longs mois de lutte acharnée, la décision tombe : Christopher est remplacé par Meryl. Elle devient alors la première femme réalisatrice de la PBS, véritable figure de proue du Women’s Empowerment, capable de concilier documentaires et scénarisation. Sous sa direction, l’émission connaît un renouveau. Avec des enjeux comme une somme à la clé, des secrets à découvrir et des candidats plus loufoques les uns que les autres, elle rend le quotidien des participants plus captivant pour les spectateurs qui reviennent en masse.
Christopher, se sentant trahi, se retire dans son bureau, entouré de ses notes pour The Real World. La pièce, sombre et encombrée, respire la mélancolie. Les murs, autrefois couverts de croquis et de concepts novateurs, sont maintenant parsemés de papiers froissés et de projets avortés. Il passe des heures à fixer son reflet dans un miroir terni, imaginant un monde où il pourrait être quelqu’un d’autre. Une idée germe : sa vie pourrait devenir une histoire captivante. Une vie en quête de sens, une histoire universelle. Il conceptualise alors The Real World 2, avec un seul personnage principal, ignorant qu’il est filmé. La caméra, pense-t-il, a détruit la réalité. Tel un photographe effrayant les oiseaux.
Une nuit, alors qu’il travaille sur la maquette de sa petite ville de Paradise Cove, Meryl rentre précipitamment. Elle annonce une grande nouvelle : PBS lui offre la chance de suivre des Navy SEALs en mission en Irak. Enceinte depuis quelques mois, une dispute éclate. Christopher, inquiet, accuse Meryl de prendre des risques inconsidérés. Elle rétorque que le risque fait partie de la vie, et que son projet de ville parfaite échouera sans éléments perturbateurs, inévitables dans toute existence.
Peu après, une nouvelle fracassante tombe : le bateau de Meryl ne revient pas de mission. La confirmation tarde, mais Christopher est dévasté. Il s’enferme de nouveau dans son monde, déterminé à créer une réalité sans risques. Il souhaite offrir à un enfant un environnement contrôlé, où chaque détail est orchestré pour inspirer la paix et l’espoir.
PBS, au courant de sa situation, lui propose de reprendre The Real World. Christopher accepte, mais impose ses conditions. Il renomme le projet The Truman Show, imaginant un monde où chaque aspect de la vie d’un individu est capturé sans l’ingérence sensationnaliste qui avait ruiné ses projets antérieurs. Il aspire à montrer la pureté de l’expérience humaine, même dans un cadre contrôlé.
Un an plus tard, sur le chantier du futur Paradise Cove, Christopher contemple l’horizon, nostalgique. La petite ville, avec ses maisons aux façades impeccables et ses rues parfaitement pavées, semble figée dans une tranquillité éternelle. Une silhouette féminine apparaît alors, un nouveau-né dans les bras. C’est Meryl. Stupéfait, il court vers elle. Elle lui présente alors leur fille, Lauren.